• Oui. Je sais. Ce titre présage une suite sans fin d'avanies en tous genres. Et pourquoi pas, après tout? Se plaindre serait-il moins respectable que de s'esbaudir sur la beauté du nez de la voisine? Ou plus rasoir que d'écouter la litanie des bonheurs des autres?  D'ailleurs, où sont-elles, ces merveilles promises, qu'on s'inscrive en vitesse?

    Non. Moi, aujourd'hui, j'ai envie de parler de l'air du temps qu'il fait, trop froid, trop rigide, trop cassant. Cet air qui brûle les poumons étroits et culbute le bon sens sans le prévenir. Un air parfois nauséabond bien qu'emballé dans son impeccable papier empoisonné. Un air que chantent les préfectures de leur voix procédurières, nommé "arrêté de reconduite à la frontière". Même pas un aria. De l'autre côté, au jardin, le pauvre type qui galère pour simplement pouvoir se payer l'air qu'il respire, histoire de survivre un peu. Il est étudiant, se rend à tous les cours comme il se doit, et travaille le soir pour ramener ses 400 euros par mois, qu'il reverse illico dans son loyer, chauffage non compris, faut pas exagérer non plus. Pas de bol, il n'a plus d'APL, alors il mange quand il peut, il se "débrouille", comme on dit. Il a encore un peu de peau au-dessus de ses os pour lui tenir chaud, c'est déjà ça. Presque trop, diront certains. Il tombe souvent malade, pas grand chose, des petits riens, mais souvent. Et souvent, ça fait beaucoup, quand même. Alors il déprime un peu, juste un poil. Il est tenaillé entre la hargne de décrocher un diplome en France, qui lui permettrait de revenir chez lui décrocher un bon poste pour faire avancer les choses, et l'impossibilité morale de revenir les mains vides au pays, même s'il risque d'en crever à petit feu. Alors il s'accroche, il rame à contre-courant, même quand ce fichu arrêté déboule dans sa boîte à lettres un matin. Il a un mois pour faire appel...

    Un appel d'air au secours...


    Râleries


    votre commentaire
  • Je rencontre assez souvent, malheureusement, des gens pour qui la jungle professionnelle n'est pas tendre. Ici, les conditions de travail vont changer sans qu'on en informe l'intéressé autrement que par un vague torchon imprimé d'après un mail; là, la direction change et impose des collaborateurs au petit doigt sur la couture du pantalon, qui vont relayer des exigences intenables au plan humain: pas le droit de prendre une pause pour prendre un café ou aller se soulager, les deux ayant d'ailleurs d' indéniables interconnections. Là encore, la hiérarchie tient à mots couverts des propos dénigrants, limites diffamatoires, léger saupoudrage savamment dosé pour déstabiliser l'adversaire et le pousser à commettre l'irréparable: une violence verbale, un geste déplacé, une démission, et pourquoi pas, soyons fou, un suicide.

    La victime de ces agissements est clouée au pilori aux yeux de tous, désignée à la vindicte populaire: si c'est lui, ou elle, ce ne sera pas moi. Oui, en effet, mais pour combien de temps? Les soupirs de soulagement des uns, les éclats d'angoisse des autres, et la tyrannie au milieu, celle qui déshabille impudiquement, qui lacère en douceur les sentiments, couche après couche. Celle qui ôte le premier vernis, celui dont on se dit qu'il cicatrisera bien. Celle qui gratte encore sur la nouvelle peau encore trop jeune, encore fragile. Qui met à vif le ressenti de sa proie, et qui continue inlassablement à la grignoter, comme les vagues qui, en se brisant sur la falaise, amenuisent son pied et la rendent de plus en plus instable jusqu'à ce qu'elle s'écroule dans la mer et y disparaisse.

    L'homme, la femme, ainsi dénudés, qui les aidera? Qui saura leur rendre leurs habits de dignité? Quelle échelle leur tendra-t-on pour récupérer dans le gouffre leur fierté foulée au pied par les insouciants et les tortionnaires d'un jour? La violence ordinaire a les yeux si doux, parfois, qu'on se prend dans ses rets sans s'apercevoir qu'on abdique sa liberté. Et quand avancer n'est plus possible, qu'on est devenu une victime en ayant trop offert de soi aux regards concupiscents des prédateurs, il est trop tard, le mal est fait. Alors, le chemin passera par des lieux désagréables: le médecin du travail et une inaptitude, les syndicats et leur verve, le psy et son analyse... Et commencera le chantier de reconstruction, avec ou sans architecte. Les pieds dans la boue, les mains dans le cambouis et la tête haute, très haute...

     

    Strip tease


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires