• Strip tease

    Je rencontre assez souvent, malheureusement, des gens pour qui la jungle professionnelle n'est pas tendre. Ici, les conditions de travail vont changer sans qu'on en informe l'intéressé autrement que par un vague torchon imprimé d'après un mail; là, la direction change et impose des collaborateurs au petit doigt sur la couture du pantalon, qui vont relayer des exigences intenables au plan humain: pas le droit de prendre une pause pour prendre un café ou aller se soulager, les deux ayant d'ailleurs d' indéniables interconnections. Là encore, la hiérarchie tient à mots couverts des propos dénigrants, limites diffamatoires, léger saupoudrage savamment dosé pour déstabiliser l'adversaire et le pousser à commettre l'irréparable: une violence verbale, un geste déplacé, une démission, et pourquoi pas, soyons fou, un suicide.

    La victime de ces agissements est clouée au pilori aux yeux de tous, désignée à la vindicte populaire: si c'est lui, ou elle, ce ne sera pas moi. Oui, en effet, mais pour combien de temps? Les soupirs de soulagement des uns, les éclats d'angoisse des autres, et la tyrannie au milieu, celle qui déshabille impudiquement, qui lacère en douceur les sentiments, couche après couche. Celle qui ôte le premier vernis, celui dont on se dit qu'il cicatrisera bien. Celle qui gratte encore sur la nouvelle peau encore trop jeune, encore fragile. Qui met à vif le ressenti de sa proie, et qui continue inlassablement à la grignoter, comme les vagues qui, en se brisant sur la falaise, amenuisent son pied et la rendent de plus en plus instable jusqu'à ce qu'elle s'écroule dans la mer et y disparaisse.

    L'homme, la femme, ainsi dénudés, qui les aidera? Qui saura leur rendre leurs habits de dignité? Quelle échelle leur tendra-t-on pour récupérer dans le gouffre leur fierté foulée au pied par les insouciants et les tortionnaires d'un jour? La violence ordinaire a les yeux si doux, parfois, qu'on se prend dans ses rets sans s'apercevoir qu'on abdique sa liberté. Et quand avancer n'est plus possible, qu'on est devenu une victime en ayant trop offert de soi aux regards concupiscents des prédateurs, il est trop tard, le mal est fait. Alors, le chemin passera par des lieux désagréables: le médecin du travail et une inaptitude, les syndicats et leur verve, le psy et son analyse... Et commencera le chantier de reconstruction, avec ou sans architecte. Les pieds dans la boue, les mains dans le cambouis et la tête haute, très haute...

     

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